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France - Fontevraud, l'abbaye des Plantagenêts




Fontevraud est une très ancienne abbaye bénédictine, qui accueillait des moines appartenant à l’ordre éponyme. L’ensemble abbatial fut créé en 1101 et devint vite, sur treize hectares, l’un des plus grands ensembles d’Europe. Dès le départ, et cela grâce à la réforme grégorienne (voir explications plus loin), Fontevraud fut conçu comme un monastère double, abritant des moines et des moniales autour d’un même abbé. Si cette abbaye connut un essor extraordinaire, c’est aussi parce qu’elle devint le symbole de la dynastie des Plantagenêts qui en firent leur nécropole. C’est la Révolution française qui marquera un terme à l’activité de Fontevraud, qui deviendra dès lors, pendant près de deux siècles, un établissement pénitentiaire. Aujourd’hui heureusement, l’ensemble conservé (deux monastères sur les quatre d’origine) se visite et a même été classé en 2000 au patrimoine mondial de l’Unesco, intégré à d’autres sites du Val de Loire.

vue de l’église abbatiale et de son chevet. Le visiteur peut découvrir le grand ensemble du Grand Moutiers (église, cloître, salle capitulaire et cuisines). L’autre monastère conservé, le prieuré Saint-Lazare, a été transformé en hôtel.



Abbatiale



Façade ouest de l’abbatiale. On décida très vite de construire l’église, peu après la fondation de l’ordre en 1101. Les architectes débutent par l’abside, mais sont très vite obligés de revoir leurs plans avec l’arrivée massive de nombreux fidèles : l’édifice prévu était trop petit. C’est en 1119 que l’ensemble tel qu’on le connaît aujourd’hui fut consacré. D’une longueur de 90 mètres, elle est entièrement réalisée en tuffeau, une pierre calcaire tendre très présente dans la région de Saumur. Deux tourelles encadrent le mur.



Qu'est-ce que la réforme grégorienne ? origine du monastère double... Afin de bien comprendre l’importance, et l’organisation, du complexe de Fontevraud, il faut revenir sur les événements religieux qui entourèrent sa construction. Au début du XIIème siècle, une réforme importante, insufflée par la papauté, vient de voir le jour : la réforme grégorienne. Le pape Grégoire VII, voulant sortir l’Eglise d’une crise qu’elle connaît depuis le Xème siècle, lance (en réalité, tout va se passer sur trois siècles…) une série de changements destinés à la restructurer. Dans les grandes lignes, voici ce qui change : - le clergé est indépendant, les laïcs ne peuvent intervenir dans les nominations. Cette décision est à l’origine de la célèbre querelle des Investitures entre la papauté et les empereurs germaniques qui se considèrent toujours comme les seuls représentants de Dieu sur terre. – le clergé est réformé, pour être mieux respecté : on donne une meilleure instruction aux prêtres, qui doivent désormais faire le voeu de célibat. – affirmation de la toute-puissance du pape. Notre abbaye de Fontevraud va au début de son existence s’attirer les foudres de la papauté, allant à l’encontre de ces nouvelles obligations ! Pourquoi ? C’est à un moine et ermite, Robert d’Arbrissel, que l’on doit en 1101 la fondation de ce qui allait devenir un des plus grands ensembles monacaux d’Europe. Quelques années auparavant, il reçoit la visite du pape Urbain II qui le charge d’une mission de prédicateur ambulant. Le moine s’affaire à sa tâche, sillonne les routes et, très vite, se trouve accompagné d’une nombreuse foule de toutes classes sociales. Il s’arrête donc en Anjou, dans un petit vallon, pour y fonder une maison mixte. C’est cela que le pape ne va pas apprécier : voir, sous le même toit, des hommes et des femmes dormir ensemble, sans être séparés, va à l’encontre de la réforme grégorienne. Pour d’Arbrissel en revanche, le fait de dormir parmi les femmes n’est pas un péché mais fait au contraire partie de son ascétisme : c’est ce que l’on appelle le syneisaktisme ; ce dernier, inventé par les Pères du Désert, permet la cohabitation chaste entre personnes de sexe différent, dans le but de surmonter les tentations charnelles et d’éprouver le moine. Rien à faire, la papauté est puissante et oblige d’Arbrissel à transformer sa maison mixte en monastère double, les hommes allant dans le monastère Saint-Jean-de-l’habit, les femmes dans celui du Grand Moûtiers. On crée également deux autres structures : la Madeleine pour les pécheresses repenties et Saint-Lazare pour les lépreux. Fontevraud était né, et l’ordre ne tardera pas à grandir : à la mort du fondateur, il compte déjà 35 prieurés et 2000 religieux.

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1 - Les chapiteaux des colonnes sont richement sculptés de monstres et autres créatures fantastiques censées effrayer les fidèles qui entraient dans l’antre de Dieu.
2 - vue de la nef depuis le choeur
3 - gisants d'Alienor d’Aquitaine et de Henri II
4 - armoiries de la dynastie des Plantagenêts sur le mur de l’abside
5 - déambulatoire

A l’intérieur, une vaste nef élancée et sobre frappe le visiteur par son blanc éclatant. Le plafond, prévu avec une charpente en bois à l’origine, fut finalement composé d’un alignement de quatre coupoles de dix mètres de diamètre chacune, délimitant autant de travées.


Au centre de la nef se trouvent quatre gisants : Isabelle d’Angoulême et Richard Coeur de Lion d’une part, Aliénor d’Aquitaine et Henri II d’autre part. Ce sont les Plantagenêts qui permirent à Fontevraud de connaître un pareil destin : Henri II, marié à Aliénor en 1152, visite l’abbaye deux ans plus tard et le couple lui confie même ses deux plus jeunes enfants, Jeanne et Jean, futur roi d’Angleterre. Lorsque le roi meurt à Chinon en 1189, aucune disposition n’avait été prévue pour ses funérailles, et c’est par commodité qu’on amena ici son corps. Quant à Richard Coeur de Lion, c’est sa mère Aliénor qui demanda à ce que son corps repose aux côtés de son père. Fontevraud devient une véritable nécropole dynastique.

Aliénor d’Aquitaine et Henri II

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1 - un vaste déambulatoire avec trois absidioles prolonge le choeur. Une dizaine de colonnes surmontées d’arcs presque brisés donnent une impression d’élévation formidable.
2 - détail des coupoles en tuffeau du plafond
3 - long transept avec sa voûte d’arcs brisés
4 - vue de l’église depuis le transept
5 - porte d’entrée donnant sur l’abbatiale

Chevet de l’abbatiale, tourné vers l’est et recevant de fait une grande quantité de lumière. Il est très élancé, grâce à son clocher central qui conduit l’oeil vers le ciel


prieuré Saint-Lazare et réfectoire


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1 - A deux pas du Grand-Moûtier, le prieuré de Saint-Lazare accueillait des religieuses chargées de s’occuper de lépreux…
2 - vue extérieure du réfectoire et des cuisines, que l’on aperçoit à l’extrême gauche. Orienté plein sud, il possède de larges fenêtres afin de faire entrer lumière et chaleur
3 - balcon du réfectoire
4 - détail de l’arc voûté du plafond du réfectoire

Le long réfectoire possède un haut plafond qui devait résonner à l’époque des textes religieux lus avant chaque repas. 300 moniales pouvaient y tenir. L’ambiance devait être glaciale, car le réfectoire n’était pas chauffé, et surtout la discipline de rigueur : interdiction de discuter, l’abbesse surveillant ses moniales depuis le haut balcon que l’on voit sur la photo ci-dessus. Les religieuses étaient disposées autour des tables selon leur âge.


cloître


Le cloître, avec ses 59 mètres de côté, forme le coeur de l’abbaye de Fontevraud, puisqu’il dessert tous les lieux névralgiques de la vie monastique : l’abbatiale, la salle capitulaire, le réfectoire, les dortoirs, les cuisines. Si le premier fut construit dès le XIIème siècle, il fut reconstruit en plusieurs étapes au cours du XVIème siècle. Les quatre galeries possèdent un plafond en croisée d’ogives, dont les nervures retombent sur des colonnes semi-engagées. Les moniales devaient toujours emprunter les
galeries pour se rendre d’une pièce à l’autre, jamais traverser le jardin, et se déplacer par deux. Le cloître permettait de diriger le regard vers le ciel divin.

pureté des lignes du cloître

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1 - le jardin est composé de quatre vastes carrés avec une fontaine au centre, que les moniales utilisaient pour se laver les mains avant de se rendre au réfectoire



salle capitulaire


La salle capitulaire (ou du chapitre) est une des pièces les plus importantes de toute abbaye. S’ouvrant sur le cloître, c’est dans cette salle que les moniales se retrouvaient tous les matins, en compagnie de l’abbesse. Un chapitre de la règle de Saint Benoit était lu à haute voix, et les religieuses recevaient la liste des tâches à effectuer dans la journée.

La salle capitulaire actuelle remonte à Louise de Bourbon, au XVIème siècle. Elle est constituée d’une basse voûte d’ogives à six travées.

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1 - un riche portail finement travaillé permet d’y accéder
2 - détail du pavement de la salle capitulaire, aux initiales des Bourbons (ici Renée)
3 - la salle est décorée de plusieurs peintures que l’on doit à Thomas Pot (vers 1563). Elles représentent la Passion du Christ jusqu’à l’assomption de la Vierge…
4 - ouverture sur le cloître sous forme de deux baies géminées
5 - vue d’ensemble de la salle du chapitre. On y reconnaît au fond à droite la Résurrection



le dortoir


Il y avait trois dortoirs à Fontevraud, pour accueillir au total 300 moniales, dans de petites cellules. Les chambres ne comportaient aucune affaire personnelle, puisque les religieuses ont fait voeu de pauvreté.

dortoir abbaye de Fontevraud


la cuisine


Les cuisines de Fontevraud sont un bâtiment absolument inattendu et mystérieux : non loin du verger et accolé au réfectoire dont il était relié par une petite ouverture pour passer les plats, voici un bien curieux chapeau octogonal, bâti en 1160. Les cuisines comportaient huit absidioles, dont cinq sont encore debout. Chacune possédait une évacuation pour la fumée, et l’on peut penser qu’il y avait donc jusqu’à huit feux en même temps, ce qui ne devait pas être trop pour servir quotidiennement les trois cent repas des moniales. Notez l’agencement typique des tuiles, en « écailles de poisson", que l’on retrouve dans plusieurs autres édifices romans poitevins. Les lanternons de pierre sont un ajout récent (XXème siècle).

les cuisines

Pénétrer dans une cuisine romane en bon état est extrêmement rare, et Fontevraud fait même figure
d’exception ! Voici deux vues du plafond des cuisines, avec les petites cheminées pour servir de fumoir, afin de conserver viandes et poissons ou de les cuire, et la grande cheminée centrale. Un système sophistiqué de hottes en quelque sorte.


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France - Fontevraud, l'abbaye des Plantagenêts France - Fontevraud, l'abbaye des Plantagenêts Reviewed by RENOULT on 20 janvier Rating: 5

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